Le terme écologie de l’esprit a été utilisé pour la première fois par Gregory Bateson dans son ouvrage « Towards An Ecology Of Mind » en 1972. « Esprit humain » y désigne la pensée et la façon dont elle se forme. L’une des idées en est que toute innovation technologique amène des modifications dans la façon dont l’esprit humain voit, juge, interprète le monde autour de lui.
L’IA nous conduit à s’interroger sur l’impact qu’elle va avoir sur l’esprit humain. Cette technologie qui augmente nos capacités cognitives permet d’accomplir des prodiges. Elle va modifier l’esprit humain de nombreuses façons et les neuroscientifiques commence à s’y intéresser. Illustrons-en quelques-unes.
Elle nous « augmente ». En nous proposant de prendre l’ascenseur plutôt que de gravir l’escalier, elle nous permet de gagner du temps et quelquefois en qualité du produit fini. Mais alors nous atrophions nos muscles et notre capacité d’apprentissage. Si le codeur ne code plus, si le jeune avocat ne cherche plus, si le radiologue ne regarde plus, leur apprentissage va se réduire et leurs connaissances s’appauvrir, voire leur cerveau s’atrophier. On a vu que depuis l’utilisation du GPS les chauffeurs de taxi londoniens ont vu la partie de leur cerveau dédiée à la géolocalisation s’atrophier.
Elle nous « leurre » sur nos compétences. En rédigeant mieux que nous, en résolvant des problèmes pour nous, elle nous fait croire que nous sommes compétents alors que nous n’avons fait que prompter. Pire elle permet de leurrer ceux pour qui nous avons ainsi travaillé et qui pourraient penser que nous possédons ces savoir-faire. Le syndrome de l’imposteur va bien se porter. Le sentiment d’estime de soi pourra être mis à mal, notamment si la machine nous montre à quel point nous sommes incompétents.
Elle semble nous comprendre et être aimable. Pour certains l’IA est déjà un consultant médical ou psychologique. Ce faisant, même si c’est parfois utile, cela risque de se traduire aussi par des erreurs, des manques, des solitudes et des dépressions.
Nous enseigne-t-elle vraiment quelque chose ou utilisons-nous seulement ses contenus pour un travail rapide, puis nous les oublions ? Nous n’en savons pas plus mais nous savons où trouver l’information. Mais si l’on ne sait pas, si l’on ne retient pas, saura-t-on faire des ponts entre les savoirs, être vraiment créatif ? Nos fonctions cognitives de mémorisation, de doute, de recherche, de confrontations d’idées, de réflexion, de créativité vont s’atrophier. Pire, l’IA est convaincante et peut nous faire croire que ce qu’elle communique est la vérité vraie et nous laisser nous enliser dans des erreurs.
En s’interrogeant sur l’impact de l’IA sur notre esprit, nous questionnons le sens de l’intelligence, l’importance de nos biais, l’externalisation de notre mémoire ou de nos savoir-faire, l’évolution de nos compétences cognitives et émotionnelles, bref nous évaluons notre valeur en tant qu’être humain.

