Les pays du Sud doivent-il vraiment copier ceux du Nord ?

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On dit souvent qu’il faudra que les pays du sud fassent beaucoup d’effort dans leur développement car ils ne pourront jamais vivre comme les pays du nord.  Leur consommation de ressources et d’énergie ne pourra jamais être équivalente. Notre confort de vie serait impossible pour eux. On souligne aussi que, certes, ils ne sont pas responsables du réchauffement climatique car ils n’ont guère bénéficié de la croissance industrielles mais qu’ils doivent contribuer à son ralentissement en préservant leurs forêts, en étant sobres, etc. sans d’ailleurs qu’on transfère des moyens pour faire ces efforts.

Ces visions sont occidentalo-centrées, néo-colonialistes et économiquement erronées.

Occidentalo-centrées car elles supposent que notre mode de vie est le meilleur, irremplaçable, qu’il nous faut le préserver et que donc nous devons garder un accès aux ressources et la possibilité de produire du CO2 comme nous le voulons. 

Néo-colonialiste car elles transportent avec elles des relents assez nauséabonds de supériorité, voire de mépris et surtout de prédation. Tintin au Congo est toujours là. Les transferts qu’il faudrait faire vers le sud ne sont pas une dette à combler mais de la charité à montrer. L’économie de la prédation pour s’accaparer l’accès à des ressources ou se permettre de polluer plus que les autres, est vivace. Arnaud Orain en traite dans son dernier livre, « Le monde confisqué : Essai sur le capitalisme de la finitude (XVI? – XXI? siècle) ». Quand Trump veut verrouiller les ressources de l’Ukraine ou du Groenland il ne fait rien d’autre qu’engager une logique d’accaparement. 

Cette vision est enfin économiquement erronées car en réalité les pays du sud sont parfois plus avancés que nous dans la transition et dans l’adoption de nouveaux modes de vie, plus frugaux, plus écologiques. Certes pas tous et on voit les océans de plastiques sur les plages d’Asie du Sud-Est ou de vêtements usagés en Afrique, mais les exemples abondent de pivots à grande échelle. La Chine est décriée pour sa place dans les émissions de CO2 mais elle est en avance très rapide sur les énergies renouvelables. En Inde plusieurs états ont déjà très largement interdit les plastiques. Dans des grandes villes comme New-Delhi les Tuk-tuk deviennent électriques. La Chine fait passer très vite son parc d’automobiles et de deux roues vers l’électrique. L’Afrique utilise des paiements mobiles par téléphone depuis bien longtemps et n’a quasiment pas installé de réseaux de téléphones fixes. Dans tous ces pays, les architectes inventent des solutions de bâtiments rafraichissants sans utiliser de climatiseurs. Ces pays font du Leapfrogging, ils passent très rapidement d’une génération de technologies ou de réglementation à l’autre. 

Les conséquences sont importantes. En termes d’environnement les progrès peuvent être rapides et ces pays le démontrent. En termes de progrès technologiques ces attitudes permettent de nouvelles avances concurrentielles comme on le voit avec les automobiles électriques chinoises. Dans ce dernier cas les dommages sur notre compétitivité se ressentent cruellement.

Soyons plus ouverts et plus humbles. Non, notre système n’est pas tenable. Oui, d’autres formes d’organisation sociales et de croissance sont possibles. Oui, il nous faut les inventer ou les importer. Oui, nous risquons d’être dépassés. Non, ce n’est pas irrémédiable, encore faut-il en prendre conscience, s’inventer un nouveau récit et arrêter de s’accrocher aux fantômes économiques et culturels du passé.